Extrait - La Pause

Tandis que Zaell s'affairait pour allumer le feu, Seollyn m'entraîna à part :

— Dis, toi et elle, vous n'êtes pas... ensemble ? chuchota-t-il.

C'est tout comme et je t'interdis de t'approcher d'elle !

— Non, non, t'inquiète...

— Ah ! Super ! Donc, ça ne t'embête pas si je tente ma chance ?

C'est hors de question ! Si tu la touches, je t'arrache les yeux !

— Non, fais ce que tu veux, grommelai-je en serrant les dents.

Ravi, Seollyn s'écarta et rejoignit la jeune fille, qui faisait déjà preuve d'une excellente maîtrise du Feu. Elle était vraiment la digne héritière de Chrysalus Ariogas. Finalement, grâce aux talents conjugués de chacun, nous eûmes droit à un bon repas, au cours duquel nous papotâmes dans la bonne humeur, heureux de nous remplir la panse. J'en avais presque oublié ma rancœur envers Seollyn, qui courtisait la fille de mes rêves.

— Il faut reconnaître que c'est l’un des meilleurs plats que j’ai eu la chance de déguster depuis que je suis arrivé ici, affirma-t-il en félicitant Elibouban pour ses talents de cuisinier.

— Pareil pour moi. Apparemment, tu n’excelles pas seulement à la chasse, reconnut Liam en le regardant d’un air bizarre.

Gêné, Elibouban s’empourpra sans savoir quoi répondre.

— C’est sûr qu’on est tous d’accord pour dire que c’est mieux que des globilus, soupirai-je, encore traumatisé par ce que Morsifer m’avait infligé sur la plage l’année précédente.

— Je suis désolé de ce qui t’est arrivé, déplora Seollyn en saisissant le sens de mon allusion.

Il avait l'air sincèrement affecté.

— Cela a dû être horrible. Il aurait même pu te tuer !

— À dire vrai, il m'en a fait manger tellement que j'aurais y rester, révélai-je. Comme avec l'Araméade noire... Il faut croire que j'ai la peau dure.

— Ou un Djil Obscur qui digère bien les poisons, objecta Elibouban en finissant de se lécher les doigts.

— Peut-être aussi, admis-je malgré moi.

— Vous, les sorciers, vous êtes des gens dangereux, commenta Liam, repu. Mais j'avoue que vous êtes aussi... disons fascinants.

— C'est pour ça que tu ne nous aimes pas ? Parce que tu nous trouves dangereux ?

Il dodelina de la tête.

— Possible, oui. Mais je suppose que je peux apprendre à vous apprécier.

— Quoi qu'il en soit, s'il y a une chose à retenir, c'est qu'il vaut mieux vous avoir en amis qu'en ennemis, confirma Seollyn en riant.

— C'est vrai. Il n'y a qu'à demander à Morsifer, renchérit son ami.

Nous rigolâmes et l'atmosphère se détendit. Après avoir terminé notre fastueux repas, nous passâmes le reste de l'après-midi à profiter du grand air. Elibouban et Liam, qui semblaient bien s’entendre, retournèrent ensemble dans la forêt tandis que Zaell allait tremper ses pieds dans le lac. Comme il l'avait annoncé, Seollyn entreprit quant à lui d'édifier une sculpture de glace par sa seule maîtrise de l'Eau. Son talent était incontestable et l'œuvre prit lentement la forme d'une jeune femme. Détail après détail, il façonna le visage transparent, affina le corps svelte, dessina sa poitrine, et....

— T'es en train de sculpter Zaell ?! m'emportai-je soudain en identifiant la statue.

— Oui ! Tu l'as reconnue ! s'enthousiasma Seollyn en reculant pour mieux admirer son travail. N'est-elle pas magnifique ?

J'étais tellement ahuri et furieux qu'aucun mot ne sortit de ma bouche.

— Le temps se couvre, on ferait mieux de rentrer ! décrétai-je finalement.

Seollyn leva le nez vers le ciel d'un bleu immaculé.

— Euh... Tu es sûr que ça va ? s'inquiéta-t-il.

— Bon, disons plutôt que je suis fatigué, rectifiai-je, conscient de l'absurdité de ma première excuse.

— D'accord, rentre. Je dirai aux autres que tu avais besoin de te reposer.

— Non, c'est bon, je vais rester encore un peu.

Vexé, je me laissai tomber dans l'herbe. Pas question de partir sans Zaell ! Je ne voulais surtout pas laisser à Seollyn une opportunité de la bécoter en profitant de mon absence. Les idées noires, je contemplai la jeune fille en train de se délasser au bord du lac tandis que Seollyn se mettait à fredonner un petit air en poursuivant sa création. Pour une fois, j'avais hâte de reprendre les cours pour oublier ces stupides tracas d'adolescent qui me mettaient dans tous mes états.