Extrait 1 : Le monstre insatiable

« Déjà, Caleb franchissait la grande porte ouvragée de la pagode, et s’enfonçait dans la pénombre. Sur ses talons, Rita ruminait silencieusement, les sens aux aguets. L’endroit fleurait l’encens, mais surtout le sang. Dès les premiers mètres, plusieurs corps gisaient sans vie sur le sol, éventrés ou tranchés en deux. Pour certains, les différents morceaux avaient été éparpillés. Pour d’autres, il en manquait la plupart, sans doute goulûment avalés par la créature.

Dans le silence du temple, Caleb fit soudain signe à sa compagne de s’arrêter. Il y avait du bruit, au-devant d’eux. Hélas, et malgré les chandelles qui avaient survécu à l’assaut, l’exorciste restait bien incapable de voir de quoi il s’agissait.

— Il y a des gens, lui apprit Rita, peu enthousiasmée par la scène.

Caleb s’avança jusqu’à eux. Des femmes, des hommes et des enfants s’étaient recroquevillés dans un coin. En tout, il devait être une dizaine, pas plus. Aussitôt, il s’accroupit près d’eux, et tâcha de se montrer rassurant en échangeant quelques mots dans leur dialecte.

— Tu parles leur langue ? s’étonna Rita.

— Oui. J’ai déjà séjourné plusieurs fois dans la région, et leur langage n’est pas très difficile à saisir.

Après quoi, il revint auprès des survivants, qui se mirent à balbutier de concert. L’un d’eux, une vieille femme, désigna le plafond en tremblant.

— Qu’est-ce qu’ils disent ? s’enquit Rita.

— La… chose est revenue.

Ils levèrent la tête. Lovée entre les poutres, une bête odieuse semblait les observer.

Elle n’avait ni yeux ni traits humains. Au lieu de cela, sa face de goudron s’étira, ouvrant une bouche béante dotée de dents plates et disproportionnées.

— Je crois qu’on l’a trouvé, lâcha Caleb. »

Chapitre 9 – Le monstre insatiable